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vieilles qui dansaient au son de grands tambours battus par des hommes. Cette danse, répugnante à voir, consistait en une sorte de tremblement convulsif et de mouvements du corps et des jambes, lancés brusquement, d’où il résultait que les longues mamelles ridées et pendantes étaient secouées comme des outres vides.

Tout en s’agitant ainsi, les hideuses sorcières hurlaient un chant auquel, à chaque secousse plus violente des danseuses, les femmes du cercle répondaient en chœur.

Une bande d’étoffe d’écorce, des moins larges, formait le piètre costume des deux vieilles, qui, pour ornements, portaient des touffes de poils de zèbre (longs poils du bout de la queue) attachées aux genoux et aux coudes, et avaient un cercle de clochettes autour des chevilles.

Le chef m’envoya un peu de lait aigre et de farine, je lui fis en retour un léger cadeau, lui exprimant le désir que j’avais de le voir, soit qu’il voulût bien me faire une visite, soit qu’il m’autorisât à me présenter devant lui ; mais il refusa toute espèce d’entrevue, persuadé qu’il était que, par suite de ma puissance magique, il suffirait d’un de mes regards pour lui enlever le peu d’esprit qu’il avait.

Je rencontrai dans son village un Msahouili que j’avais connu dans l’Ounyanyemmbé. Il venait là pour faire du commerce, l’ivoire n’étant pas cher : douze dotis la frasilah (vingt-quatre brasses de calicot les trente-cinq livres), prix courant. À force de marchander, il avait même eu deux frasilahs pour dix-huit dotis ; mais il se plaignait avec amertume du prix élevé de l’esclave : douze dotis pour une jeune fille, cinq ou six pour un enfant.

Ne voulant pas rester chez Ponnda jusqu’à ce qu’il eût épuisé ses marchandises, il éprouvait le besoin de me céder ce qu’il avait d’étoffe et d’autres articles ; il désirait en outre que je le prisse à bord pour le ramener dans l’Oudjidji, ses hommes redoutant les voleurs qui infestaient le chemin de l’Ounyanyemmbé. Je refusai ses marchandises et lui accordai le passage ; mais au moment du départ, ses Vouanyamouési furent plus effrayés des tempêtes du lac que des brigands de la route, et je partis seul avec mes gens.

Sortis des roseaux, nous passâmes au-dessous de Karyânn Gouina, longeant la grève, où les villageois se pressaient en foule, les uns se baignant, les autres remplissant d’eau leurs grands