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D’après les rapports de nos guides, le Tanganyika empiéterait constamment sur ses rives et accroîtrait son étendue. J’ai remarqué moi-même à Kakouélé que, depuis la venue de Burton (1858), une bande de terre de plus de six cents yards de large (près de six cents mètres) paraissait avoir été emportée par les eaux sur une longueur de trois ou quatre milles.

Bien qu’autour de nous il y eût beaucoup de pêcheries, les îlots étaient déserts. Les quelques individus que notre approche avait effrayés nous dirent que les habitants étaient partis à cause de l’érosion incessante des rives du lac. Eux-mèmes n’étaient revenus que pour réunir les engins de pêche qu’on avait laissés dans les îles.


Une nouvelle demeure diabolique fut rencontrée le lendemain. Nos pilotes firent l’offrande et l’oraison ordinaires ; en outre, ils se mirent du sel sur la tête et en mêlèrent aux perles du sacrifice.

Le démon du lieu s’appelait Mousammouira. Je demandai pourquoi il n’habitait pas la rivière qui porte son nom ; il me fut répondu qu’il y allait quelquefois, mais qu’il demeurait habituellement derrière la montagne au pied de laquelle l’offrande avait été faite.

Le lendemain nous nous dirigeâmes vers Massé Kammbé, où nous voulions acheter des vivres. Quelques rafales rendirent mes hommes si nerveux que je dus leur permettre de baisser la voile ; puis ils persistèrent à serrer la côte et finirent par marcher vent debout, au lieu de croiser avec belle brise.

Arrivés à Massé Kammbé, nous trouvâmes toutes les portes closes, tous les forts en état de défense ; et nous allâmes nous établir sur un petit banc de sable, où quelques huttes de pécheurs étaient construites sur pilotis ; mais le vent et la vague grandirent tellement qu’il nous fallut gagner la côte. Nous y passâmes toute la journée suivante, cherchant à nous procurer des vivres. Quelques patates et une petite quantité de haricots furent tout ce que nous pûmes recueillir. Dans l’après-midi, je tuai un lépidosirène, que les naturels appellent sinnga ; l’aspect en était si répugnant que personne ne voulut en goûter ; les gens du pays disent même que la chair de ce poisson est vénéneuse.

Partis de Massé Kammbé, nous doublâmes le cap Mpimmboué, promontoire composé de masses énormes de granit confusément amoncelées, entassement prodigieux qu’on eût pris