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ronflements, mais nos feux les empêchèrent de pénétrer dans le bivouac. À en juger d’après le nombre de leurs empreintes, nous étions campés sur une de leurs escales favorites, d’où leurs pistes conduisaient en ligne droite au sommet d’une montagne abrupte que l’on n’aurait jamais crue accessible à des animaux d’allure aussi pesante.

Aux renâclements de ces ronfleurs se joignait le fracas des grenouilles, qui ne cessaient pas de se faire entendre. Le bruit des unes ressemblait à celui que font les calfats et les riveurs ; d’autres, plus volumineuses ou plus rapprochées, martelaient comme des forgerons, tandis que certains coassements produisaient l’effet d’une machine à forer ; si bien qu’avec un peu d’imagination on pouvait se croire dans un chantier de construction navale.

Nous passâmes le lendemain devant la résidence du frère de Ponnda ; et voyant approcher une rafale qui venait de l’arrière, nous courûmes nous mettre à l’abri d’une petite pointe sableuse où s’apercevaient une demi-douzaine de cases.

Nous prenant pour des chasseurs d’esclaves au service des Arabes, les habitants s’enfuirent avec leurs bêtes et tout ce qu’ils purent emporter ; car si une forte palissade les protégeait du côté du rivage, ils étaient sans défense contre l’ennemi arrivant du large.

Après la bourrasque, vint une pluie continue qui nous fit dresser le camp. Plusieurs de mes hommes se rendirent au village dans l’espoir d’y trouver des vivres ; mais rien ne put être obtenu. Les jours suivants nous ne fûmes pas plus heureux ; et le grain que nous avions apporté de l’Oudjidji ayant été avarié par les pluies quotidiennes, la faim commença à se faire sentir.

Nous nous arrêtâmes ensuite au milieu d’un groupe d’îles sableuses et couvertes d’herbe, situées à l’embouchure du Mousammouira, qui verse au Tanganyika les eaux du Likoua[1]. À notre approche, quelques pêcheurs essayèrent de prendre la fuite, croyant voir en nous des gens de Mirammbo, dont le nom redouté avait pénétré jusque-là.

Peu d’années avant, ces îles faisaient partie d’une vaste plaine largement cultivée ; et pendant toute la course du jour, nos barques nagèrent sur les sites d’anciens champs, d’anciens villages.

  1. Lagune située au sud-ouest de l’Oukahouenndi. (Note du traducteur.)