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les deux avaient des nattes en guise de voiles. Ces bateaux appartenaient à Djoumah Méricani, qui était alors dans le pays de Msama.

Djoumah était venu là pour la première fois à l’époque où Burton se trouvait dans l’Oudjidji ; et depuis quinze ans, il faisait un commerce actif au delà de ce point éloigné.

Nous fûmes très bien reçus par les naturels. Un homme d’un certain âge et d’un caractère jovial, qui remplaçait le chef, alors en tournée d’inspection, vint s’incliner profondément devant moi en se frottant la poitrine et les bras avec de la poussière, ce qui dans le pays est la façon de rendre hommage.

Les ornements et les coiffures ressemblaient beaucoup à ce que nous avions trouvé dans les bourgades précédentes.

Pendant le jour, de grands moustiques nous piquaient sans cesse ; j’avais le dos couvert d’ampoules. Impossible de rester assis ou couché sans être torturé par ces menus vampires, et les plaies que j’avais aux pieds m’empêchaient de me mouvoir ; la position était loin d’être agréable.

C’est là que, en Afrique, j’ai rencontré du raisin sauvage pour la première fois.

Le 29 avril, nous étions dans une petite baie complètement abritée ; la nuit promettait d’être si belle que je résolus de ne pas faire dresser ma tente et de coucher dans le bateau. De leur côté, mes hommes ne se firent pas de cabanes et dormirent à découvert. Mais tout à coup arriva la pluie, qui nous rendit très misérables ; les barques eurent leur fond rempli d’eau, et les effets de mes gens furent trempés.

L’averse finie — le jour était venu — je donnai à mes hommes une couple d’heures pour faire sécher leurs vêtements et cuire leur déjeuner. Au bout des deux heures, ne voyant remuer personne, je chantai : Paka, paka (faites les paquets, faites les paquets). On me répondit : Kécho, kécho (demain, demain). Je cherchai Bombay pour lui demander ce que cela voulait dire ; il était assis tranquillement dans l’autre bateau, sous une toile, et s’excusa, en me disant : « Que voulez-vous que j’y fasse ? Ils ne veulent pas partir, ils ont peur.

— Amenez-moi celui qui dit non, et je le punirai.

— Je ne peux pas ; ils refusent tous. »

C’était plus que ma patience n’en pouvait endurer ; si écloppé que je fusse, je sortis promptement de la barque, et ramassant