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mes indiscrétions ne vinssent en aide à leurs concurrents. Déjà les pays neufs sont envahis ; ils ne savent plus où s’ouvrir de nouvelles routes. Les Égyptiens ou, comme ils les appellent, les Tourkis leur sont connus, et ils veulent éviter de se heurter contre eux.

Hassan Ibn Ghérib avait, disait-il, offert à Livingstone de le conduire à l’endroit où venaient les vaisseaux, endroit où il se rendait alors ; il demandait pour cela mille dollars ; Livingstone avait refusé. Il me disait également qu’aux environs de Nyanngoué on pouvait se procurer des canots pour descendre la rivière jusqu’à l’endroit en question : ce que les autres confirmaient. Il y avait dans tous ses rapports de quoi troubler l’esprit le plus lucide.

Je n’attendais, pour me mettre en marche, que l’arrivée des porteurs qui devaient venir de l’Ounyanyemmbé, et les journées me paraissaient longues. Dans un moment d’irréflexion j’avais montré à Saïd Mézroui un volume de contes du Souahil que je possédais ; il en avait parlé, et tous les soirs j’étais obligé de faire la lecture aux Arabes pendant quelques heures. Un auditoire nombreux se pressait pour jouir de cette lecture, qui semblait lui causer un plaisir extrême ; elle payait un peu de leur obligeance ceux qui m’avaient rendu service, et je la faisais volontiers, bien qu’elle me fatiguât.

Le 15 mai, certains individus, peut-être pour s’amuser, peut-être, ce qui est plus probable, avec l’intention de profiter du tumulte qui en résulterait pour commettre des vols, mirent le feu chez Bilâl pendant la nuit. C’était d’autant plus criminel que la porte de la maison était fermée en dehors. Fort heureusement, les hommes qui couchaient d’ordinaire dans cette maison n’y étaient pas. Quant aux incendiaires, il m’a été impossible de les découvrir.

Le lendemain, je fis une vente de mon djoho[1], et de la portion de ma cotonnade qui était en grande largeur ; cette dernière se vendit très bien. J’achetai ensuite, pour habiller mes hommes, quinze pièces d’autre calicot, de neuf dotis chacune, à raison de vingt-huit dollars (cent quarante-cinq francs) la pièce. Puis, afin de pouvoir acheter des vivres et payer les Vouadjidji qui de-

  1. Djoho, corruption du mot djohh, drap grossier écarlate ou bleu. (Note du traducteur.)