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mois, et je donnai aux soldats le contenu d’une caisse de cartouches.

Ce qu’ils faisaient de leurs munitions me serait difficile à dire. À Bagamoyo, je leur avais distribué cent trente cartouches à balle ; dans l’Ounyanyemmbé, chaque fusil en avait reçu vingt-cinq en surplus des cartouches qui ne contenaient que de la poudre ; et maintenant, beaucoup d’entre eux n’en avaient pas une. Fiers de s’en être débarrassés, ils venaient me dire en souriant : Itapana, bouana (il n’y en a plus, maître).

En réduisant ainsi le nombre des ballots, je croyais m’être délivré de toute préoccupation à l’égard du transport ; mais j’avais compté sans Bombay, dont l’ingéniosité semblait n’avoir pour but que de renverser tous mes plans. Les munitions que j’avais données aux soldats, de celles qui appartenaient à mes armes, et que j’avais réparties de manière à égaliser les fardeaux, il fit des ballots supplémentaires ; de sorte qu’au moment du départ, il y avait quatre charges de plus que de pagazis.

Rétablir ce que j’avais fait nous retarda nécessairement ; et nous n’arrivâmes à la station que vers deux heures, par un soleil dévorant : 55° centigrades à mi-ombre ; marche d’autant plus accablante qu’elle nous avait fait traverser la boue fétide de plusieurs marais.

Le Lougoumba avait été passé : quarante yards de large, trois de profondeur, un courant de deux nœuds et demi, une eau étincelante, en raison des nombreuses parcelles de quartz qu’elle tenait en suspension.

Jusque-là, nous avions longé la base des éperons méridionaux de l’extrémité sud des montagnes de l’Ougoma ; nous quittions maintenant ces montagnes, pour nous diriger vers la chaîne de collines qui forme la ligne de partage entre le Lougoumba et le Loukouga.

Un affreux accident était arrivé dans cette marche à l’un des pagazis. En traversant un noullah profond, le malheureux avait fait un faux pas et était tombé en avant ; l’une des baguettes qui formaient le cadre de son ballot lui était entré dans l’œil, qu’elle avait complétement détruit ; elle avait en outre déchiré la paupière.

Je voulais appliquer au blessé des compresses d’eau froide ; mais il avait besoin, disait-il, d’un remède plus fort que cela ; et je l’abandonnai au soin du docteur d’un village voisin, qui lui