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confiants dans l’avenir. Je ne doute pas que leurs efforts n’avancent de beaucoup la civilisation dans cette partie de l’Afrique.

On ne saurait avoir plus d’attentions, plus de bontés que n’en ont eu pour nous ces hommes estimables. Ils nous envoyaient constamment des fruits, des légumes, des choux palmistes que l’on mange en salade ; une fois même ils nous donnèrent un quartier de sanglier qui nous fit subir le supplice de Tantale : nous ne devinions ni l’un ni l’autre la manière de le faire cuire ; et nos serviteurs, qui du mahométisme n’avaient que les préjugés, refusaient de toucher à cette viande impure.

Notre propriétaire, Abdallah Dinah, était si jaloux de la partie féminine de son entourage, qu’il mit un cadenas à la porte de la maison, et nous obligea à gagner nos chambres par une échelle des plus incommodes, placée au dehors exprès pour nous. Tout cela pour nous interdire l’accès d’une petite portion de la cour menant à l’escalier, et qu’un épais clayonnage, très suffisant pour empêcher nos regards d’épier les secrets du harem, séparait déjà de l’endroit mystérieux.

Quelques jours après notre arrivée, le djémadar Issa, chef de toutes les troupes casernées sur cette partie de la côte, vint nous faire une visite avec une escorte nombreuse : des Béloutches, sentant la crasse et la graisse, et tellement couverts de pistolets, de sabres, de lances, de mousquets, qu’ils avaient l’air d’avoir mis à sac les magasins de quelque théâtre des faubourgs de Londres.

Le capitaine de cette escorte imposante ne trouva pas indigne de lui de solliciter et de recevoir une gratification de quelques dollars. Le commandant ne lui céda en rien sous ce rapport, sans préjudice de la requête habituelle d’un peu d’eau-de-vie, qu’il demandait comme médicament.

Il fut convenu séance tenante que, le lendemain matin, Issa viendrait nous prendre pour nous conduire à Kaolé, où résidait le vieux djémadar Sebr, auquel nous ferions notre visite. Le lendemain, Issa n’arrivant pas, nous nous rendîmes chez lui, où nous le trouvâmes, comme à l’ordinaire, en tunique crasseuse. Il se coiffa aussitôt d’un turban aux vives couleurs, et s’entoura d’une écharpe dans laquelle il fourra un poignard, une dague, un révolver français finement doré, se chargeant par la culasse, mais pour lequel il n’avait pas de cartouches. Il y ajouta un pistolet à pierre, se pendit à l’épaule un sabre et un bouclier, donna