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ses babouches à son valet, et fut prêt à partir. Le page avait pour tout vêtement une vieille draperie de calicot, roulée, autour des hanches ; il était coiffé d’un fez et portait une vieille arme à feu.

Afin de paraître avec honneur, nous avions pris quatre de nos soldats commandés par Bilâl, notre lieutenant, Tous les quatre, en uniforme, avaient des fusils rayés. Une certaine insistance de notre part les décida à marcher, deux à deux, l’arme basse, jusqu’au moment où l’étroitesse du sentier les obligea à se mettre en file indienne.

Après avoir suivi la principale rue de Bagamoyo, passé devant des huttes écartées, nous nous trouvâmes sur la plage ; et l’heure étant celle de la marée montante, le commandant prit le chemin qui s’éloignait le plus de la mer.

Ce chemin était plus tortueux que celui du labyrinthe de Crète ; mais il traversait un pays fertile, de grandes étendues plantées en manioc, en ignames, etc. Le djémadar nous fit remarquer de vastes champs de riz, et ajouta que les oranges, les mangues et des fruits d’autres espèces se trouvaient dans la forêt voisine. Tous les champs étaient entourés de haies épineuses, auxquelles les haies d’Angleterre ne sauraient être nullement comparées : douze ou quinze pieds d’élévation sur dix pieds d’épaisseur.

Le sentier passa sous une arcade taillée dans une de ces murailles, puis se déroula sur une terre inculte, où l’herbe croissait par énormes touffes assez hautes pour vous fouetter le visage, assez épaisses pour entraver la marche.

Enfin nous revîmes la plage ; Kaolé était devant nous ; il y avait deux heures que nous étions en roue. Les fusils se déchargèrent pour annoncer notre arrivée. Du côté du djémadar, le pistolet à pierre et le vieux mousquet firent bravement leur devoir ; ils détonèrent comme de petits canons ; mais le second serviteur du commandant ne parvint pas à tirer de son arme fossile un bruit quelconque, et l’autre ne fut pas beaucoup plus heureux avec sa vieille canardière française : il y eut, entre l’explosion de la capsule et celle de la charge, un intervalle qui détruisit l’effet ; réunies, peut-être se seraient-elles fait entendre ; séparément elles furent couvertes par le murmure des flots qui venaient baigner le rivage.

L’instant d’après, nous recevions un chaleureux accueil de Sorghi, du djémadar Sebr et de ses Béloutches. Sorghi, pour lequel j’avais une lettre de recommandation de Lakhmidass, fermier de