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J’envoyai au reste de ma bande l’ordre de me rejoindre sur-le-champ avec tous les bagages. Le bivouac n’était pas abandonné, que les indigènes y mettaient le feu. Je plaçai la plupart de mes hommes derrière les huttes, qui les abritèrent, je postai les autres de façon à empêcher l’ennemi de nous prendre en flanc, et je me rendis avec les guides sur la place du village. Arrivé là, je demandai pourquoi on nous attaquait, nos intentions étant toutes pacifiques. Pour seule réponse, on nous envoya une grêle de flèches. Très surpris de n’être pas touché, et ne pouvant obtenir d’explication, je vins retrouver ma caravane. À ce moment, un corps d’environ cinq cents hommes, qui avait été mis en embuscade sur la route que nous devions prendre, rejoignit les villageois.

Encouragés par ce renfort, ainsi que par notre paisible attitude, les indigènes se rapprochèrent et commencèrent à nous jeter des lances. L’affaire devenant sérieuse, je permis, bien qu’à regret, de tirer plusieurs coups de feu. L’une des balles, heureusement, frappa à la jambe l’un des notables qui se croyait assez loin pour n’avoir rien à craindre. Cet événement fit une impression tellement grande, que le chef proposa aussitôt d’entrer en pourparlers ; j’acceptai avec joie.

Après quelques discours, il fut convenu que la chèvre serait retrouvée et rendue ; que le chef recevrait, en cadeau, un morceau de drap rouge ; que Bombay ou Bilal ferait avec lui échange de sang ; que l’on nous donnerait des guides, et que nous partirions en paix.

J’allai immédiatement chercher l’écarlate, que je présentais au chef, quand arriva un de ses confrères, avec une nombreuse armée :

« N’accorde pas la paix à ces gens-là pour un morceau d’étoffe, dit l’arrivant, tu serais fou. Nous sommes assez forts pour les battre ; nous pouvons facilement avoir toute l’étoffe, toutes les perles qu’ils possèdent ; les prendre eux-mêmes, les tuer ou en faire des esclaves. Combien sont-ils ? tu peux compter leurs dizaines sur tes doigts ; tandis que pour compter les nôtres il faudrait plus de mains que nous ne pourrions en dire le nombre. »

Malheureusement ces conseils prévalurent ; les négociations furent rompues, les flèches recommencèrent à pleuvoir. Je me décidai alors à brûler une case et fis dire au chef que si les hostilités ne cessaient pas immédiatement, je mettrais le feu à