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qui faisait le tour du village avec sa suite. Il était vêtu d’un ample jupon d’étoffe d’herbe, avait au cou un énorme collier formé d’éclats de gourdes, de crânes d’oiseaux, et d’imitations de ces mêmes crânes faites en bois grossièrement sculptées. Une large bande, composée de perles mi-parties et surmontée d’un grand plumet, lui décorait la tête. En guise de nœud de ceinture, il lui tombait sur les reins un trousseau volumineux de clochettes de fer que sa pavane faisait carillonner, et son visage, ses bras, ses jambes étaient blanchis avec de la terre de pipe.

Derrière lui marchait une femme qui portait dans une calebasse l’idole dont il était le prêtre. Venait ensuite une autre femme, chargée d’une natte. Deux petits garçons, porteurs d’objets divers, complétaient ce cortège.

À l’approche du mgannga, toutes les femmes quittèrent leurs demeures. Beaucoup d’entre elles le suivirent jusqu’au hangar à fétiche, qu’elles entourèrent et où elles me parurent faire leurs dévotions : elles battaient des mains d’un air recueilli, s’inclinaient et poussaient des gémissements étouffés d’un caractère étrange.

Bientôt se présenta un autre magicien, puis un autre, puis un autre. Il en arriva cinq, tous ayant le même costume et la même suite.

Quand ils furent réunis, ils allèrent en procession choisir dans le village une place qui leur convint. La place trouvée, ils s’y accroupirent sur la même ligne, étendirent leurs nattes devant eux, et y déposèrent leurs idoles et autres instruments d’imposture.

Leur président me voyant assis sur ma chaise, pensa qu’il y allait de son honneur d’avoir un siège aussi élevé que le mien. Il envoya chercher un mortier à piler le grain, énorme vase qui a la forme d’un calice ; il le retourna et s’assit sur le pied. Mais le siège était branlant ; et après deux ou trois chutes, notre pontife préféra la sécurité à l’honneur, et s’accroupit à côté des autres.

La consultation fut ouverte par l’épouse du chef, qui présenta au chapitre une offrande de six poulets, et qui bientôt s’en alla ravie : le principal magicien lui avait fait la grâce de lui cracher au visage, et lui avait octroyé une boule de fiente, précieux talisman qu’elle se hâtait d’aller mettre en lieu sûr.

Après le départ de la noble dame, le divin collège écouta les