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questions du public. Quelques-unes furent promptement expédiées ; mais il y en eut d’autres qui, évidemment, soulevèrent des points épineux, et qui furent l’occasion de beaucoup de paroles et de beaucoup de gestes.

Quand les Vouagannga prétendaient ne pas pouvoir répondre, les idoles étaient consultées ; l’un des féticheurs, ventriloque habile, donnait la solution attendue ; et les pauvres dupes croyaient la tenir de la bouche même des dieux.

J’observai que de larges offrandes procuraient des oracles favorables, et cette journée de divination a dû être très fructueuse pour ceux qui en ont palpé les bénéfices. Deux des Vouagannga en furent si contents qu’ils revinrent le lendemain ; mais les fidèles n’avaient pas le moyen de faire parler les idoles deux jours de suite, et les affaires furent à peu près nulles.

J’attendais toujours la réponse de Kassonngo ou celle de sa femme ; comme elle n’arrivait pas, j’envoyai au lac plusieurs de mes hommes que le chef voulut bien laisser partir.

À peine étaient-ils en route que des messagers de Kikondja venaient m’inviter à me rendre auprès de leur maître, qui avait le plus grand désir de voir un blanc. Mais l’instant d’après, le même Kikondja me faisait dire qu’il ne pouvait pas me recevoir, ses devins l’ayant averti du danger que ma visite ferait courir au lac, dont les eaux disparaîtraient si je venais à le regarder.

Montrant la colline d’où l’on apercevait le Kassali, je répondis que j’avais déjà regardé le lac, sans produire aucun effet sur ses eaux. Les messagers voulurent bien le reconnaître ; mais ils me firent observer que je ne l’avais vu que de loin ; et ils affirmèrent que, si j’approchais de ses bords, le lac serait bientôt desséché, que tout le poisson mourrait, ce qui priverait Kikondja et son peuple d’une grande partie non seulement de leur nourriture, mais de leur richesse ; car le poisson étant d’une grande abondance, on en faisait sécher et on le vendait à des gens éloignés du lac.

Sur ces entrefaites, le bruit courut que les hommes que j’avais envoyés à Kikondja avaient été faits prisonniers. Mon inquiétude à cet égard fut bientôt dissipée par le retour des prétendus captifs. L’histoire, néanmoins, n’était pas complètement fausse : Déiyaï avait eu l’intention de les faire mettre à mort. Une femme les en avait prévenus ; ils s’étaient emparés d’un canot pendant