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dans une daou chargée de tous nos bagages. À notre arrivée, nous eûmes la satisfaction d’être chaleureusement et bruyamment accueillis par nos hommes, qui, chose merveilleuse à dire, n’avaient rien fait de reprochable pendant notre absence.

Remis immédiatement à l’œuvre, nous nous occupâmes de chercher des porteurs ; ce que nous fîmes sans relâche avec tout le zèle dont nous étions capables : la masika, ou saison pluvieuse, arrivait, et son approche donnait à chaque jour de retard une réelle importance. Je numérotai les fusils dont le War Office[1] avait pourvu l’expédition et les distribuai à nos hommes, qui furent très-fiers d’être armés à l’européenne. Je dois ajouter que pendant toute la durée du voyage, au milieu des plus rudes épreuves, ces armes furent entretenues avec un soin qui aurait fait honneur à n’importe quels soldats.

Voyant que les pagazis ne venaient pas vite et que nos engagés étaient difficiles à réunir, je résolus d’aller camper hors de la ville, pour faire comprendre que nous allions nous mettre en marche et qu’il n’y avait pas à espérer un plus haut salaire en tardant à se présenter. J’espérais aussi, par ce moyen, introduire une certaine discipline dans la masse hétérogène dont notre bande se composait. En conséquence, j’allai avec Dillon explorer le voisinage. Nous jetâmes notre dévolu sur un joli endroit, situé à quatre milles de Bagamoyo, à côté d’une plantation appelée Chammba Gonéra[2].

Au moment où nous allions quitter la ville, tandis que j’inspectais les armes et surveillais l’abreuvement de nos bêtes, il nous arriva une affaire qui aurait pu devenir sérieuse, et qui, dans tous les cas, fut déplaisante. L’ânier, qui prenait soin de nos montures, un jeune garçon, se disputa avec une jeune esclave à qui des deux tirerait du puits le premier seau d’eau. Un Arabe, témoin de la querelle, se jeta sur notre groom et commença à le battre. Un de nos askaris s’élança vers Arabe et lui asséna sur la tête un coup de bâton qui le renversa. N’approuvant pas cette justice sommaire, je fis arrêter l’askari.

Cinq minutes après, l’Arabe, revenu de son étourdissement, arriva le sabre à la main, l’écume à la bouche, jurant « qu’il tuerait le chien du Nazaréen et qu’il mourrait heureux ». Il était

  1. Ministère de la guerre.
  2. Voyez sur Chammba Gonéra les détails que donne Stanley, Comment j’ai retrouvé Livingstone, Paris, Hachette, 1874, p. 62. (Note du traducteur.)