Page:Cameron - A travers l'Afrique, 1881.pdf/436

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

deaux et des coups, des blessures qui leur étaient infligés pour activer leur marche. Les liens qui les retenaient pénétraient dans leurs chairs, qu’ils avaient rongées. Il en était ainsi pour tous les captifs : misère et douleurs de toute nature. J’ai vu une femme continuer à porter le cadavre de son enfant, mort de faim dans ses bras.

Avec quelle amertume, en face de pareilles scènes, je me sentais impuissant à secourir ces infortunés ! Chaque évasion était pour moi un soulagement, bien qu’il y eût tout motif de craindre qu’avant d’avoir regagné leur pays beaucoup de fugitifs ne vinssent à mourir d’inanition, ou bien à tomber entre les mains des indigènes, qui passent pour être d’une grande dureté envers leurs esclaves.

Ces gens du Lovalé ont des mœurs très rudes, le caractère violent ; et comme ils possèdent des fusils, ils sont très redoutés des caravanes. Excepté par un ou deux chefs, le tribut, chez eux, n’est pas demandé comme dans l’Ougogo ; mais ils n’en rançonnent pas moins ceux qui traversent leur territoire.

Tout dans leur existence est réglé par l’homme aux fétiches, d’où une grande perfidie ; et ils sont habiles à tendre des pièges au voyageur ignorant de leurs coutumes. L’étranger dépose-t-il par hasard son fusil ou sa lance contre une hutte, il est saisi à l’instant même, et ne recouvre la liberté qu’après avoir payé une forte amende. On lui donne pour prétexte que placer une arme contre le mur d’une case est faire acte de magie, avec l’intention de causer la mort du propriétaire de ladite demeure. Si, pour établir son camp, l’étranger coupe un arbre qui a été touché par le feu, il est frappé de la même peine, et ainsi de suite ; la liste des faits entachés de magie, c’est-à-dire passibles d’amende, est sans fin.

Très primitif, le costume des gens du Lovalé consiste, pour les hommes, en un tablier de cuir ; pour les femmes, en quelques lanières rappelant la frange des Nubiennes, où en un maigre lambeau d’étoffe. Les cheveux sont nattés d’une façon spéciale et revêtus d’une couche de terre et d’huile, qui donne à la coiffure l’air d’avoir été taillée dans un bloc de bois.

Une quantité considérable de fer, tiré du Kibokoué, est habilement travaillée par les hommes du Lovalé, qui en font des pointes de flèches de formes très diverses, et des haches à la fois joliment décorées et d’une combinaison fort ingénieuse : la