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Après nous être perdus trois ou quatre fois, nous atteignîmes un gros village appartenant, corps et biens, au sénhor Gonçalvès. Celui-ci possède une demi-douzaine de ces bourgs, dont la population tout entière est composée d’esclaves ; chacun lui fournit le noyau d’une bande. Des porteurs salariés, pris dans les environs, complètent la caravane.

Lors de notre arrivée, la majeure partie des habitants avaient quitté le village pour se rendre à Djenndjé, sous la conduite de l’un des fils de Gonçalvès. On me donna pour logement la grande hutte du maître, celle qu’il habite quand il vient visiter le domaine. Ma suite fut également casée, et presque immédiatement arriva un tornado accompagné d’une pluie torrentielle ; il était fort heureux que nous fussions à l’abri. Une lueur particulière, d’une teinte sinistre, avait précédé la tempête ; comme le soleil était couché depuis quelque temps, cette clarté devait être électrique.

Le lendemain, trois heures de marche nous conduisirent à la ville de Kagnommbé, la plus grande de toutes celles que j’ai vues en pays nègre : trois milles de circonférence. Elle renferme, il est vrai, un certain nombre d’enceintes particulières, sortes de faubourgs appartenant à différents chefs, qui en habitent les huttes quand ils viennent rendre hommage à leur suzerain. Des parcs à bétail pour les vaches et les cochons, des enclos où le tabac est cultivé y prennent beaucoup de place, sans parler de trois grands ravins, sources d’affluents de la Kokéma ; et bien qu’elle soit nombreuse, la population est moins grande que l’étendue de la ville ne me l’avait fait supposer.

Je fus accueilli à mon arrivée par le chambellan, le secrétaire du chef et le capitaine des gardes ; tous les trois avaient des gilets rouges en signe de leur dignité. Le second de ces fonctionnaires était simplement décoratif, car il ne savait pas écrire ; les affaires du souverain avec les maisons de la côte se traitaient par un subalterne plus instruit, natif de Donndo.

Mes trois dignitaires me conduisirent à une case préparée pour me recevoir, et sans me donner le temps de me rafraîchir, me demandèrent ce que j’avais l’intention d’offrir à leur maître. Un fusil Snider et un peu d’étoffe que je m’étais procuré pour cela à Komanannté constituaient mon présent. Les trois notables affirmèrent que le chef ne serait nullement satisfait ; et je dus me séparer d’une peau de léopard que m’avait donnée Djoumah