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un âne, acheté à Benguéla, et tous les deux le connaissaient et le suivaient comme des chiens, ce qui, pour moi, est une preuve qu’il y avait quelque chose de bon dans sa nature. Je dois reconnaître qu’il fut, à mon égard et à celui de mes gens, d’une bonté parfaite ; j’aurais voulu ne pas être forcé, dans l’intérêt de l’Afrique, de parler du triste côté de son caractère. Mais, « fais ce que dois, advienne que pourra. » Je suis obligé de dire que ce n’était pas lui qui pût donner une idée avantageuse du commerce africain. Il faisait la traite de l’homme ; et bien qu’il fût juge du district, on voyait dans son établissement des esclaves enchaînés.

Sachant par expérience comment on se procure ces captifs, je ne pouvais que souffrir en pensant que des hommes capables d’un tel mépris de tout sentiment d’humanité se trouvaient être les premiers Européens que vissent les tribus de l’intérieur. Il me raconta, comme une bonne histoire, que, lors de sa visite à Kassonngo, celui-ci avait fait couper des mains et des oreilles en son honneur ; et il avait l’intention de porter cent mousquets à ce monarque paternel, pour les échanger contre des esclaves. J’essayai de lui faire entendre qu’il pouvait faire cet échange pour de l’ivoire. Mais il repoussa toute idée de ce genre : l’ivoire s’obtenait plus facilement à Djenndjé, le chemin était meilleur, la route moins dangereuse ; enfin, ce double trafic lui donnait double profit.

Pendant que nous étions là, un féticheur vint dire la bonne aventure aux gens de la caravane qui devaient aller chez Kassonngo. Chasser les mauvais esprits et guérir les malades rentrait également dans ses attributions. Il était suivi de quelques individus qui portaient des sonnettes de fer et qui, de temps à autre, frappaient ces clochettes avec de petits morceaux du même métal.

En arrivant, le devin s’assit par terre, au milieu de ses sonneurs et commença un chant monotone. Il accompagna ce récitatif du craquètement d’un double grelot en vannerie, qui avait la forme d’un haltère. Les acolytes lui répondaient en chœur, et frappaient tantôt sur leurs clochettes tantôt dans leurs mains, ce qu’ils faisaient en cadence.

Le chant s’arrêta, et le devin fut prêt à satisfaire ceux qui voudraient l’interroger, pourvu toutefois que la réponse fût payée d’avance.