Page:Cameron - A travers l'Afrique, 1881.pdf/482

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

vivait confortablement, et ne semblait pas désirer qu’on le libérât.

Enfin mes compagnons eurent achevé leurs préparatifs ; mais une grande fête devait avoir lieu le lendemain, et ils refusèrent de se mettre en route.

La fête commencée, j’allai voir ce qui se passait. Sous un énorme banian situé en dehors du village, les danses, les chants, les libations faisaient fureur. Hommes et femmes dansaient ensemble ; leurs mouvements étaient accompagnés de chansons plus que grossières et le tableau était d’une obscénité inimaginable.

Le chef, relativement à jeun, se tenait à l’écart au milieu d’un groupe de huttes ombragées de grands arbres et de bananiers qui, de même que ceux de la résidence de Kagnommbé, ne portaient pas de fruits. Une partie de ce groupe de cases atteignait le haut d’un escarpement d’où la vue était charmante. Hommbo me dit qu’ayant été au service de Gonçalvès, il n’éprouvait nul désir de participer à des divertissements tels que celui que je venais de voir, mais qu’il lui était impossible d’empêcher ces orgies, car les indigènes qu’on voudrait priver de leurs danses se révolteraient et tueraient leur chef.

Par suite de l’humidité et du froid dont ils avaient souffert, beaucoup de mes compagnons étaient rhumatisés. Plusieurs d’entre eux ne pouvaient faire aucun mouvement ; il fallut organiser des litières : et ce ne fut pas sans difficulté que nous partîmes de Lounghi. Presque aussitôt, nous trouvâmes des collines rocheuses, sillonnées de ruisseaux turbulents qui, çà et là, tombaient de vingt à trente pieds de hauteur, formant des cascatelles échelonnées dont les rejaillissements étincelaient au soleil. De grandes fougères arborescentes croissaient sur les rives, parmi des jasmins, des myrtes, des buissons couverts de fleurs ; tandis que de charmantes capillaires et d’autres plantes délicates ornaient les crevasses du rocher.

À mesure que nous avancions, la scène devenait plus belle ; je finis par être contraint de m’arrêter pour jouir de la vue qui se développait devant nous ; rien de plus séduisant que ce paysage : un aperçu du paradis. Au premier plan, des clairières entourées de grands bois ; çà et là des éminences couronnées d’arbres à large cime, ressemblant à ceux d’Angleterre, et abritant des villages aux toits de paille, d’un jaune superbe. Des champs, où le