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vert gai des moissons naissantes contrastait heureusement avec le rouge vif du sol nouvellement pioché ; des ruisseaux limpides, scintillant sous une lumière incomparable ; dans le lointain, des montagnes de formes variées à l’infini, s’effaçant par degrés, et allant se fondre avec le bleu du ciel.

De légers nuages, d’un blanc soyeux, glissaient dans l’air ; et le bourdonnement des abeilles, le chant du coq, le bêlement éloigné des chèvres, rompaient le silence. Mais le charme profond de la scène ne peut se décrire ; je me contente de l’affirmer ; ni la plume, ni le pinceau, quel que fût le génie du poète ou du peintre, ne rendrait complètement la beauté du Baïlounda.

Couché sous un arbre, dans l’indolente contemplation de ce site enchanteur, j’avais oublié mon œuvre ; toute pensée de ce qui me restait à faire s’était évanouie, quand l’arrivée de mes hommes, geignant sous leurs charges, dissipa mon rêve.

Ce jour-là, notre camp fut taillé dans des amas de lianes odorantes qui allaient enguirlander les arbres jusqu’au faîte, suspendant leurs festons à toutes les branches.

De cet endroit, je devais me rendre à Kammbala pour faire une visite à Konngo, chef du Baïlounda ; cette visite était nécessaire. On m’avait dit qu’il serait impolitique de me présenter avec une suite nombreuse ; je donnai à ma caravane l’ordre de continuer sa route, et ne pris que sept hommes avec moi, dont l’interprète, le guide et mon fidèle Djoumah.

Kammbala est situé sur un monticule rocheux, au centre d’une plaine boisée entourée de collines. Arrivés sur une nappe de granit, où le village a son entrée, nous passâmes trois palissades et fûmes conduits à un enclos renfermant quatre huttes que l’on mit à notre disposition. Les cases dont le village était formé se groupaient au milieu des roches de la façon la plus curieuse : chaque tablette, chaque saillie de la côte pouvant recevoir une bâtisse avait été mise à profit ; et la porte du voisin était généralement au-dessus de votre tête ou à vos pieds. Des arbres de belles proportions croissaient dans les fentes du roc ; de petits carrés de tabac se voyaient près des maisons ; les palissades étaient drapées de lianes couvertes de fleurs.

Nous fûmes reçus par quelques-uns des conseillers du chef. Le premier ministre était absent pour affaire importante, et ce fut à sa femme qu’échut le soin de pourvoir à nos repas. Bientôt notre hôtesse apporta à mes gens une forte ration de bouillie et