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arrivant de la côte ; mais il n’y avait pas de nouvelles à obtenir de ces bandes, commandées par des indigènes.

L’une d’elles, cependant, qui appartenait au sénhor Gonzalès, nous apprit qu’il était défendu de mener des esclaves à Benguéla ; ceux que l’on y avait conduits récemment avaient été libérés, et les conducteurs sévèrement punis. Cette information, tout à fait inattendue, fit prendre à nos Baïloundas et à Manoël des figures singulièrement longues. La veille, précisément, l’un d’eux m’avait dit que la traite se faisait toujours sur la côte, principalement à Mossamédès, d’où l’esclave était largement exporté. Au lieu d’être, comme autrefois, enfermés dans des baracons, les captifs étaient dispersés dans la ville par petits groupes toujours prêts à partir. Dès l’arrivée du steamer qui devait les prendre, on les embarquait, et le vaisseau repartait immédiatement. Je demandai pour quelle destination ; mais mon informateur ne put pas me répondre, il était trop ignorant pour cela.

Si faible qu’avait été la distance parcourue, je vis à la fin de l’étape que mes gens allaient de mal en pis et qu’il fallait aviser. Plus de vingt d’entre eux étaient à bout de forces. « Jambes enflées, mal au cou, mal au dos, estomac vide, » était le cri général. Si quelque mesure décisive n’était pas prise sans retard, jamais la caravane n’atteindrait la côte, dont nous n’étions plus qu’à cent vingt-six milles géographiques.

J’appelai ma pipe à mon aide, et après une demi-heure de réflexion, il fut décidé que ma tente, mon bateau, mon lit, tout ce que j’avais serait abandonné. Je ne garderais que mon journal, mes instruments et mes livres ; je prendrais avec moi quelques hommes d’élite, et nous gagnerions la côte à marche forcée. De là j’enverrais au secours de la caravane.

Le plan arrêté, l’exécution commença ; il n’y avait pas de temps à perdre.

Manoël s’appropria la tente, le bateau, la literie abandonnés qu’il remisa chez un ami, habitant d’une bourgade voisine ; et le lendemain matin nous partîmes : moi, avec cinq de mes hommes, Djoumah, Sammbo, Ali-Ibn-Mchanngama, Hamis Férhann et Maridjani ; Manoël, avec deux des siens ; et les Baïloundas, qui prétendaient résister à n’importe quelle fatigue.

Une chemise de rechange, des pantoufles, une couverture, une poêle, une tasse de fer-blanc, un horizon artificiel, un sextant, ce qu’il fallait pour écrire, formaient tout mon bagage : un