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ballot d’une vingtaine de livres que mes gens devaient porter tour à tour.

Mes provisions de bouche se composaient de la moitié d’une poule (celle que j’avais achetée à Lounghi) et d’un peu de farine ; mes fonds se bornaient à deux mètres d’étoffe.

La position de mes gens était un peu meilleure ; ils avaient plus de ressources ; Méridjani surtout, qui, parlant portugais, m’avait servi d’interprète et, comme tel, avait reçu trois pièces de cotonnade. Il est vrai que je lui en avais racheté deux, qui avaient été remises à Bombay pour les besoins de la caravane.

Le lendemain, partis de bonne heure, nous traversâmes d’un pas rapide un pays rocailleux et accidenté. Vers midi, les Baïloundas qui s’étaient vantés de me suivre y renoncèrent, disant qu’ils n’auraient pas cru être soumis à une pareille allure.

À trois heures, nous fîmes halte dans une plaine découverte ; il y avait là un petit camp où nous nous installâmes. Un ruisseau coulait au pied des montagnes qui bornaient la plaine ; je me donnai la jouissance de prendre un bain ; et Djoumah, un habile masseur, rendit à mes muscles courbaturés la souplesse que leur avait fait perdre la marche.

Nous étions à cinq mille huit cents pieds (mille sept cent quarante-trois mètres) au-dessus du niveau de la mer, ce qui est la plus grande altitude que j’aie atteinte pendant tout mon voyage. Les montagnes adjacentes dominaient la plaine d’environ huit cents pieds.

Une grande caravane composée de Baïloundas, revenant de la côte, passa devant nous. Beaucoup de ses membres avaient des parapluies qui, pour la diversité des couleurs, auraient pu rivaliser avec l’habit d’Arlequin. Chaque trou avait été bouché avec une pièce de teinte différente ; le rouge, le vert, le bleu, le rose, le jaune, le blanc, le violet, se heurtaient sur la même couverture.

Autre particularité de la caravane : beaucoup de ses membres étaient munis de boîtes de fer-blanc, où il y avait eu de la paraffine. J’étais fort intrigué par ces boîtes vides : à quel usage pouvaient-elles servir ?

Le jour suivant, nous nous réveillâmes en même temps que l’alouette ; j’avais tellement faim, que je ne pus m’empêcher de finir les restes de ma poule, bien que je fusse à peu près sûr de ne pas avoir d’autre viande avant d’atteindre la côte.