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Sortis du camp, nous arrivâmes, par une montée graduelle à une brèche de la montagne. Cette gorge nous conduisit à un versant abrupt que nous descendîmes à la façon des chèvres, en sautant de roche en roche.

Une nouvelle caravane à parapluies bigarrés et à vieilles boîtes à paraffine se trouvait en bas de la pente. Ses chefs m’exprimèrent leur surprise de voir un blanc voyager à pied, et avec une suite aussi peu nombreuse. Leur étonnement redoubla quand ils apprirent d’où nous étions partis la veille ; ils n’avaient jamais entendu dire qu’on eût fait tant de chemin en un jour. Des étapes plus longues et plus rudes que celle-là nous étaient réservées.

À peine étions-nous descendus, qu’il fallut gravir de nouvelles pentes. Arrivés au sommet, nous nous trouvâmes en face d’autres chaînes dont la crête perçait les nuages qui voguaient à nos pieds. Un village important, bâti sur un petit mont conique, s’apercevait au loin, du côté du sud ; c’était une colonie de métis. Presque tous dans l’aisance, mais ne pouvant avoir parmi les blancs qu’une position inférieure, et trop fiers pour frayer avec les noirs, ces mulâtres s’étaient fixés là, où ils menaient, disait-on, une vie confortable. Ils avaient beaucoup d’esclaves, et de temps à autre envoyaient des caravanes dans l’intérieur.

Redescendus, nous traversâmes une gorge boisée sur les deux flancs, et où la légère frondaison du dattier sauvage contrastait avec les cimes plus touffues et plus foncées des acacias.

Du milieu de cet amas de verdure s’échappait une nappe d’eau qui, par une chute de soixante-dix à quatre-vingts pieds, tombait dans un bassin rocheux d’où elle éparpillait ses rejaillissements sur la ramée voisine, et allait rejoindre, par une série de cascatelles, le torrent qui grondait au fond de la gorge.

Celle-ci aboutissait à une plaine couverte d’une haute futaie. Comme nous sortions du ravin, une pile de granit, surmontée d’une croix de bois massive, frappa mes regards. Il me fut dit que ce tombeau renfermait les restes de l’une des filles du major Coïmbra. La pauvre jeune femme, sœur du compagnon d’Alvez, avait épousé Saïd-Ibn-Habid, et était morte à cette place en donnant le jour à un fils. Voulant avoir une épouse qui eût du sang européen dans les veines, Ibn-Habid était revenu chez le major