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lui ; il m’offrit immédiatement son canot et sa maxilla. C’était à M. Warberg que je devais ces bons offices.

La porte du consulat anglais, à laquelle j’allai frapper, me fut ouverte par un petit mulâtre qui s’enfuit en me voyant, me laissant dehors, assez étonné de la réception. Mais bientôt s’ouvrit une seconde porte, et le consul apparut en personne. Il me regarda d’un air assez rude, comme se demandant quel pouvait être l’individu pâle et défait qui était devant lui.

« Je viens vous rendre compte de ma personne, lui dis-je ; j’arrive de Zanzibar. »

Ce nom le fit me regarder en face.

« À pied, » ajoutai-je.

Il recula d’un pas ; et laissant retomber ses deux mains sur mes épaules :

« Cameron ! mon Dieu ! » s’écria-t-il.

Le ton dont ces mots furent prononcés me firent sentir qu’en David Hopkins j’avais un véritable ami.

Il m’apporta des lettres qui m’attendaient là depuis dix mois, et me dit que, le matin même, il les regardait avec Carnegie, son suppléant, et exprimait la pensée que je ne viendrais jamais les prendre.

L’instant d’après j’étais établi au consulat, et je me rendais avec M. Hopkins chez le gouverneur général, l’amiral Andradé, qui me faisait un chaleureux accueil : jamais sa bonté, sa courtoisie, ne sortiront de ma mémoire. Je lui demandai si mes hommes pouvaient être logés dans quelque bâtiment public ; et par son ordre le lieutenant Mello, son aide de camp, officier de marine qui avait servi à bord d’un vaisseau de la reine d’Angleterre, voulut bien se charger de mes compagnons. Je lui en fus très reconnaissant, car j’étais encore d’une extrême faiblesse, et la moindre démarche était pour moi une grande fatigue.

Mes gens débarquèrent dans la soirée. Lorsqu’ils virent où on les conduisait, — des logements leur avaient été préparés au fort, — ils refusèrent d’aller plus loin, demandant pourquoi on les mettait en prison, quand ils m’avaient suivi d’une mer à l’autre ; car, dans l’esprit des Zanzibarites, prison et forteresse sont une même chose ; dans leur langage, les deux mots sont synonymes. Mais on leur assura qu’ils seraient libres ; et sur l’affirmation qu’on laisserait les portes ouvertes, ils acceptèrent leur gîte.

Restait maintenant à les rapatrier. Le Spiteful arriva quelques