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Ce n’est pas par des discours ni par des écrits que l’Afrique peut être régénérée, mais par des actes. Que chacun de ceux qui croient pouvoir y prêter la main le fasse donc. Tout le monde ne peut pas voyager, devenir apôtre ou négociant ; mais chacun peut donner une cordiale assistance aux hommes que le dévouement ou la vocation mène dans les lieux inconnus.

Toutefois, je recommanderai à tous ceux que la question concerne, de ne pas s’illusionner. Beaucoup de noms seront ajoutés au martyrologe de la cause africaine ; beaucoup de souffrances devront être subies sans plaintes, beaucoup d’années de pénible labeur acceptées sans faiblesse, avant que l’Afrique soit vraiment libre et heureuse.

Je suis fermement convaincu que l’ouverture de voies de communication convenables réduira de beaucoup la traite de chair humaine, et que le développement du commerce légitime anéantira le trafic maudit ; mais je ne suis nullement certain de la rapide extinction de l’esclavage domestique. Il est si profondément ancré dans l’esprit des Africains, que nous devrons, j’en ai bien peur, nous contenter de commencer la tâche et laisser à nos descendants le soin de la compléter.

Quant à l’éducation des indigènes, il faudra n’y pourvoir que graduellement et ne pas tenter d’imposer les coutumes et les manières européennes à des peuplades qui, aujourd’hui, ne sont pas aptes à les recevoir.

Notre civilisation, qu’on ne l’oublie pas, est le fruit de siècles nombreux ; vouloir que l’Africain y arrive en une ou deux décades serait absurde. Le système de culture forcée, si souvent essayé en pareil cas, ne donne aux peuples enfants qu’un vernis de fausse civilisation, et ne fait, chez le plus grand nombre, qu’ajouter aux vices de l’état primitif, ceux qui appartiennent aux couches les plus basses de la lie de nos sociétés.

Travaillons donc avec mesure, bien qu’avec énergie, surtout avec persévérance. Ne reculons pas devant l’obstacle ; ne nous laissons pas décourager par le mauvais vouloir, abattre par l’échec ; si nous rencontrons l’un ou l’autre, cherchons le remède, redoublons d’effort ; et avec le temps, Dieu bénissant notre œuvre, l’Afrique sera libre et pourra être heureuse.


FIN.