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rester en selle, et je me fis porter dans un hamac. Dillon prit sa monture, un vieux baudet nommé Philosophe, à cause de la placidité avec laquelle il endurait les vicissitudes du voyage, et nous allâmes jusqu’à un petit hameau appartenant à un chef appelé Kommbéhina. Nous y passâmes la nuit. Le lendemain, Dillon était trop malade pour monter à âne. Comme nous n’avions qu’une litière, il fut décidé que je partirais d’abord, et que je renverrais le hamac dès que j’aurais atteint Réhenneko.

Plusieurs grands villages furent croisés pendant la marche ; ils expliquaient l’état de culture du pays. À l’exception des points trop marécageux ou complètement inondés, tels que nous les trouvâmes en deux endroits, on ne voyait que des champs. Les deux espaces submergés avaient chacun une largeur de trois quarts de mille, et étaient couverts d’un à trois pieds d’eau.

Dès mon arrivée, je m’établis commodément sous la véranda du chef ; puis j’envoyai chercher Dillon.

Réhenneko est un village populeux, et je fus immédiatement entouré d’une foule ébahie, composée de gens bien vêtus, habillés comme les esclaves de Zanzibar. Ils avaient en outre pour collier un disque formé d’un enroulement de fil de laiton. Ce disque, projeté horizontalement à partir du cou, avait parfois deux pieds de diamètre et rappelait les tableaux où la tête de Jean-Baptiste est représentée dans un plat. Je n’ai vu cette parure, à la fois bizarre et gênante, qu’à Réhenneko ; mais j’ai entendu dire qu’elle était de mode dans tout le district.

Situé dans un fond, à l’entrée d’une gorge qui mène aux montagnes de l’Ousagara, le village ne me sembla pas être un séjour convenable. Je choisis donc, pour nous y établir, le sommet d’une colline, où je fis dresser ma tente. Cinq ou six de mes hommes seulement passèrent la nuit dans les cabanes qu’ils s’étaient construites. Les autres demeurèrent près des feux, n’osant pas se séparer, tant ils avaient peur des bêtes féroces. Cette peur était si grande, qu’ayant eu besoin d’eau, après le coucher du soleil, je ne pus jamais décider aucun de ces poltrons à m’en aller chercher au ruisseau, qui n’était pas à quatre cents mètres.

Dillon arriva le lendemain ; il était toujours fort malade, et je fis établir le camp avec tout le soin qu’on y met, lorsqu’il s’agit d’une longue halte. Les cabanes des porteurs formèrent un grand cercle. Au milieu de cette enceinte, une palissade enferma