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nos tentes, le corps de garde et les magasins. L’espace compris entre la palissade et les cabanes servait le soir de parc à nos ânes, qui y étaient mis au piquet. Dans le jour, ils allaient au pâturage, où ils étaient libres sous la surveillance de deux hommes préposés à leur garde.

En surcroît de sa fièvre, Dillon eut une attaque de dysenterie qui l’alita jusqu’au 20 mai — il était arrivé le 2 — et je continuais à boiter, l’enflure du cou-de-pied ayant abouti à un énorme abcès. Pour comble d’infortune, à peine le camp était-il dressé, que nos gens se mettaient en grève. Ils demandaient qu’on leur donnât de l’étoffe à la place des vivres qui leur étaient fournis, et parlaient de quantités extravagantes : une brasse de cotonnade par homme, tous les cinq jours. Or, avec une brasse de cotonnade j’achetais les rations de dix-huit journées. Il fallait résister, au risque de provoquer les désertions ; céder était impossible : la moindre faiblesse n’eût fait qu’augmenter les exigences ; et toute notre étoffe y eût bientôt passé.

Pendant que Dillon était malade, voici quelle était ma routine quotidienne. Le matin, après avoir pris mon cacao, je faisais ma ronde en me traînant ; j’allais visiter les ânes, je pansais avec de l’huile phéniquée ceux qui avaient des plaies et je veillais à ce que toute la bande fût menée au pâturage. Ensuite, je passais la revue des hommes, j’inspectais les armes, j’écoutais les plaintes. Je faisais nettoyer le camp, distribuer les rations ; j’envoyais des escouades dans les bourgades voisines acheter des vivres pour le lendemain. Arrivait le déjeuner ; le repas fini, j’écrivais ; puis je me mettais à l’ouvrage et de menus travaux m’occupaient jusqu’au dîner. Je prenais ensuite quelque vue, je fumais une pipe à côté de l’un des feux du camp, et la dernière bouffée dissipée, l’heure était venue de gagner mon lit.

Parfois, l’arrivée d’un visiteur rompait la monotonie de ce train-train. Un jour, un nommé Ferhann, qui était à la fois esclave d’un Arabe, et chef d’un gros village, vint nous présenter ses respects ; il nous fit cadeau d’une chèvre et de quelques volailles. Son maître, Saïd Soliman, avait été ministre des deux prédécesseurs du Sultan de Zanzibar, dont il était l’un des conseillers. Une autre fois, Séid Ibn Omar, un Omani établi à Mboumé, nous envoya son fils nous apporter son présent, et nous faire ses excuses de ce qu’il ne venait pas lui-même nous offrir ses hommages, étant retenu par la maladie.