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Nous dressâmes le camp sur une pente encore plus raide que celle de la veille. Chaque objet paraissait enclin à obéir à la loi de gravité, et juste à nos pieds coulait la Moukonndokoua, large rivière peu profonde, mais d’un courant très rapide.

Toutes les collines, jusqu’au sommet, étaient couvertes d’acacias produisant, ainsi que Burton l’a dit avec beaucoup d’exactitude, l’effet d’une foule munie d’ombrelles. Dans les fonds, où l’eau était abondante, le mparamousi élevait sa tête altière.

Le mparamousi (taxus elongatus) est l’un des plus nobles spécimens de la beauté arboréale. Que l’on se représente une colonne de quinze pieds de diamètre et de cent quarante de hauteur, revêtue d’une écorce d’un vert jaunâtre de nuance claire et couronnée d’une large cime d’un vert foncé.

Malheureusement cet arbre superbe, dont le bois tendre se travaille sans peine, est souvent sacrifié pour faire la moindre chose — une porte ou un escabeau, — et comme il est de peu de durée, à moins d’être employé tout à fait sec, l’œuvre de destruction se renouvelle constamment.

Le lendemain, au moment où le dernier de nos hommes quittait le bivouac, un léopard, tenant un singe entre ses griffes, tomba d’un arbre situé à moins de quinze pas de l’endroit où nos tentes avaient été dressées.

Après avoir suivi la rivière pendant une couple d’heures, nous la passâmes en aval d’un brusque détour de son lit, d’où, traversant en plaine des champs de sorgho, dont les tiges avaient plus de vingt pieds de hauteur, le sentier nous conduisit au village de Mouinyi Ouségara.

À l’endroit où nous l’avions passée, la Moukonndokoua avait cinquante yards de large, deux pieds et demi d’eau, et une vitesse de deux nœuds à l’heure. La place du gué était signalée par le plus beau mparamousi que j’aie jamais vu ; cet arbre splendide était double, et ces deux tiges, sorties de la même souche, s’élevaient au moins à cent soixante-dix pieds de hauteur avant de se ramifier en une cime magnifique.

Près de là se trouvait l’ancien village de Kadétamaré[1]. Dévasté par l’inondation et l’ouragan de l’année précédente, il n’avait plus pour habitants que quelques-uns des esclaves du

  1. Voyez Burton, Voyage aux grands lacs de l’Afrique orientale, p. 169. Paris, Hachette, 1862.