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le prince Cimmérion ordonnant toutes choses, debout comme une statue de la guerre, ils savaient saluer sans avilissement la force étésienne incarnée en son superbe fils. La conquête récente du seul royaume voisin qui pût vraiment recéler un péril, conquête dont quelques jours auparavant des courriers avaient apporté la nouvelle, assurait définitivement le prestige du règne. Ce jour était la promesse d’une gloire totale. La situation de l’Étésie, au cœur d’une contrée entourée de colossales chaînes de montagnes, l’isolerait pour des siècles peut-être des convoitises de lointaines nations, occupées de subjuguer les rivages des mers intérieures par la force de leurs flottes, et sachant à peine ce qui pouvait exister au delà de ces monts abrupts. Ces pensées heureuses emplissaient l’âme du prince méditant, bercées par les chants des violes, aussi légères que les parfums, et comme tout en l’âme de Sparyanthis se référait à la forme féminine de la beauté, comme toutes ses joies ressemblaient plus ou moins à la douceur goûtée dans l’étreinte d’un corps, il mêlait confusément à l’image de son triomphe, dans cette matinée éclatante succédant aux rêves de l’aube, le souvenir de la femme entrevue dans le sommeil, et le souvenir de cette grande forme blanche se dessinait en ondoyant devant ses prunelles éblouies par le dansant mirage des paillettes de l’azur embaumé de soleil.