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délices de cette défaite totale de soi, de ce désagrégement de tout l’être dans la stupeur exquise du crime consenti, de cette diffusion progressive de la volonté et des sens dans une sorte de tiédeur semblable à celle des poisons anesthésiques.

Dans les bras d’Alilat, Sparyanthis devenait pareil à l’homme qui ayant bu la ciguë, s’étend pour mourir et peu à peu ne sent plus sa couche, croit planer, s’endort entre terre et ciel.

Ils se rejoignaient dans les bosquets, durant les lentes après-midi mornes, pendant que Cimmérion chassait ou visitait les camps qui entouraient la ville. Leurs entrevues furent aisées, car Cimmérion, incapable de se défier de son frère, favorisait plutôt ses relations avec son épouse. Il souhaitait qu’ils ne fussent point ennemis et voyait en cette union amicale un moyen d’arracher Sparyanthis à sa vie de voluptés énervantes, qu’il blâmait en secret. Le jeune prince était devenu si faible et si indolent que Cimmérion s’en était effrayé. C’était, entre eux, et d’ailleurs selon la coutume dynastique, un principe absolu que le respect de la liberté réciproque entre les princes étésiens : toujours le violent génie de leur lignée s’était manifesté sous la double forme de la guerre et de la débauche raffinée. Mais l’amour de Cimmérion vit en Alilat, si sage et si hautaine, l’occasion pour Sparyanthis de repos et d’entre-