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sa force se fondre. Sparyanthis, sans pensée précise, observait le progrès du mal.

Lui-même s’épuisait, miné par le remords, la haine, l’insouci des destinées ; ses tables astrologiques, ses sphères de cristal gisaient, poussiéreuses ou brisées, aux plates-formes où il ne montait plus. Partout sa main lasse traçait machinalement le signe de la confusion, les étoiles à pointes brisées et enchevêtrées. Il les dessinait dans le sable, sur les tentures ; il chassa ses mages, les envoya en exil parmi les bouviers de la montagne. Il devint très faible, soutenu par une seule idée, l’étude de l’agonie fraternelle. Un sinistre idéal l’obséda, bu par toute la perverse avidité de son âme, née pour toutes les décadences. Il rêva l’extinction de la race, la chute d’un peuple accompagnant au tombeau les derniers princes étésiens et s’ensevelissant avec eux. Le peuple ignorant regardait le colossal palais dressé sur un mont au milieu de la capitale, temple de la force, où s’évanouissaient deux êtres sous la volonté d’un troisième, avec solennité, dans le silence.

Cimmérion, résigné, songeait. Ses pensées se modifiaient. La maladie créait en lui une âme nouvelle, il s’ouvrait à des délicatesses ignorées jusqu’alors, à des douceurs qui n’avaient jamais effleuré son esprit. On eût dit qu’avec le poison sécrété par les pierreries de