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mais entrevu. Un Cimmérion futur, astral, épuré, naissait de ce vaste corps brun qui gisait paisible, repoussant doucement les baumes inutiles que lui offraient les médecins. Il avait fait apporter devant lui son armure, et, dressée sur un mannequin, elle semblait son ombre projetée. Il regardait avec un sourire pâle ce spectre d’airain, d’or et de cuir, impénétrable aux chocs extérieurs, vide et mort au dedans, et ce lui semblait être l’image elle-même de ce Cimmérion qu’il avait été, insouciant, téméraire, vide de toute âme, étranger à tout sauf à l’instinct. Il s’éloignait avec chaque heure de ce vain portrait de lui-même, pénétré d’un détachement qui surpassait en plaisir tout ce qu’il avait cru jusqu’alors connaître du plaisir de vivre, et lorsqu’un familier pensant le distraire de son angoisse de malade entreprenait de lui conter quelque récit de combat, d’un geste simple il le conviait au silence.

Une force surhumaine contraignait Sparyanthis à épier, sans se permettre une absence, les phases de ce dépérissement étrange, et aussi la floraison de cette âme nouvelle qui l’étonnait. À certaines réflexions de Cimmérion, il mesurait l’écart immensément grandissant de l’homme qu’il avait haï à l’homme qu’il avait aimé, et cependant ni l’un ni l’autre n’étaient devant lui, mais un troisième, dont il ne savait que penser. Il restait,