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fièrent ce palais autour d’un gouffre inconnu, insondable ; c’est pourquoi je dois te parler, ô mon frère, en présence de cette femme qui est là. Les minutes, couleur de la nuit, m’environnent comme autant de mouches avides. Je n’ai pas peur. Je ne mourrai pas comme je l’avais rêvé, mon cœur ouvrant une large issue au glaive ou à la lance, et je ne reviendrai pas dans le remous de la bataille, étendu sur mon bouclier royal, soulevé par mes soldats au sein des foules sanglantes comme un navire ballotté par l’orage sur la phosphorescence de la mer furieuse ; mon sort est égal à ma patience, et des pensées nouvelles sont nées en moi depuis que je languis. Ô Sparyanthis ! et toi, Alilat, que j’ai soustraite au massacre et conduite avec honneur dans ma couche, ne dérobez pas au mien votre double regard, écoutez-moi, car je sais votre secret.

— Tu le sais ! cria Sparyanthis épouvanté.

— Et pourquoi, dit Cimmérion en souriant tristement, pourquoi ne le saurais-je pas ? Je sais que tu aimes Alilat et que tu es aimé d’elle, depuis longtemps, et je n’en suis pas offensé !

— Que veux-tu dire ?

— Je veux dire, ô mon frère Sparyanthis, enfant aimé, douceur, que j’ai pressenti cet amour. Mais pourquoi changer de visage l’un et l’autre et qu’y a-t-il là de