Page:Cammaerts - Les Bellini, Laurens.djvu/106

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
102
LES BELLINI.

Par le fini de l’exécution, cette Pietà s’élève à la hauteur d’un Van Eyck et trahit peut-être l’influence de quelque œuvre de l’école flamande. Par l’intensité de l’expression, elle n’a rien perdu de la sincérité d’émotion dont Jacopo (voir p. 21) et les primitifs qui le précédèrent revêtirent cette scène déchirante. En présence du mouvement douloureux de la Vierge rapprochant sa tête de la couronne d’épines, on oublie de remarquer les dernières traces d’affectation squarcionesque qui apparaissent dans le traitement de la chevelure de saint Jean et dans celle du Christ. L’anatomie rappelle le Sang du Rédempteur. Le corps n’a pas encore perdu son caractère ascétique et contraste vivement avec les torses puissants des Pietà de Berlin (Kaiser Friedrich Museum), de Londres (collection Mond) et de Rimini (Galerie municipale). Cette manifestation de vigueur musculaire reste isolée dans l’œuvre de Giovanni. Elle ne réapparaîtra plus tard ni dans ses Saint Sébastiens, ni dans le Christ de Vienne. Il faut, sans doute, l’attribuera l’admiration que l’artiste dut ressentir devant la Mise au tombeau que Donatello avait sculptée, quinze ans auparavant, sur le maitre-autel du Santo de Padoue.

La Vierge et saint Jean font place, à Berlin, à deux anges d’une exquise suavité d’expression, et à Rimini, à quatre charmants putti, dignes de della Robbia. Mais l’atmosphère chrétienne du sujet est entièrement sacrifiée à ces embellissements.

Vasari nous apprend que cette dernière Pietà fut com-