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cesse était la pieuse Élisabeth, victime de son respect et de son tendre attachement pour le roi son frère, et dont les hautes vertus méritent la couronne céleste[1]. Elle était encore presqu’à la lisière, à l’époque du mariage du dauphin. La dauphine lui donnait une préférence marquée. La gouvernante, qui cherchait à faire valoir celle des deux princesses que la nature avait traitée moins favorablement, sut mauvais gré à madame la dauphine de son affection particulière pour madame Élisabeth, et, par des plaintes indiscrètes, elle refroidit l’amitié qui

    dre qu’elle ferait bien de ne pas reparaître aux yeux de la princesse. Madame Clotilde l’envoya chercher le lendemain : Ma gouvernante a fait son devoir, lui dit-elle, et je vais faire le mien ; revenez nous faire votre cour, et ne vous rappelez plus une étourderie que j’ai moi-même oubliée.

    Cette princesse, si épaisse de corps, avait un esprit agréable et fin. Son affabilité, ses grâces prévenantes la rendaient chère à tous ceux qui l’approchaient. Un poëte, uniquement occupé du prodigieux embonpoint de madame Clotilde, composa le quatrain suivant, lorsqu’il fut décidé qu’elle épouserait le prince de Piémont.

    Pour en saisir l’esprit ou pour mieux dire le sens, il ne faut point oublier que deux princesses de Savoie venaient d’épouser deux princes français.

    Le bon Savoyard qui réclame
    Le prix de son double présent,
    En échange reçoit Madame ;
    C’est le payer bien grassement.

    (Note de l’édit.)

  1. Élisabeth-Philippine-Marie-Hélène de France, était née à Versailles le 3 mai 1764. « Madame Élisabeth, dit M. de La Salle, auteur d’un article biographique sur cette intéressante et malheureuse princesse, n’avait pas reçu de la nature, comme madame Clotilde, son auguste sœur, cette douceur et cette flexibilité de