Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/121

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dérangé, n’en avait pas moins désobligé madame Adélaïde qui, ayant établi un jeu séparé dans ses appartemens, ne se rendait presque jamais à celui où devait se réunir non-seulement la cour, mais la famille royale. La visite en grand appareil au débotter du roi avait toujours lieu. La messe en musique était entendue tous les jours ; les promenades des princesses n’étaient que de rapides courses qu’elles faisaient en berlines, accompagnées de gardes-du-corps, d’écuyers, de pages à cheval. On se rendait au grand galop à quelques lieues de Versailles ; les calèches ne servaient que pour suivre la chasse.

Les jeunes princesses voulurent animer leur société intime d’une manière utile et agréable. On forma le projet d’apprendre et de jouer toutes les bonnes comédies du théâtre français ; le dauphin était le seul spectateur ; les trois princesses, les deux frères du roi, et MM. Campan père et fils composèrent seuls la troupe ; mais on mit la plus grande importance à tenir cet amusement aussi secret qu’une affaire d’État : on craignait la censure de Mesdames ; et on ne doutait pas que Louis XV n’eût défendu de pareils amusemens, s’il en avait eu connaissance. On choisit un cabinet d’entresol où personne n’avait besoin de pénétrer pour le service. Une espèce d’avant-scène, se détachant et pouvant s’enfermer dans une armoire, formait tout le théâtre : M. le comte de Provence savait toujours ses rôles d’une manière imperturbable ; M. le comte d’Artois assez bien ; il les disait avec grâce :