Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/131

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Le duc d’Aiguillon avait eu trop ouvertement le titre d’ami particulier de la maîtresse du roi ; il fut congédié. M. de Vergennes, alors ambassadeur de France à Stockholm, fut nommé ministre des affaires étrangères ; le comte du Muy, intime ami du dauphin, père de Louis XVI, eut le département de la guerre. L’abbé Terray dit et écrivit en vain qu’il avait courageusement fait tout le mal possible aux créanciers de l’État, pendant le règne du feu roi ; que l’ordre était rétabli dans les finances, qu’il n’avait plus que du bien à faire ; et que

    à monter à cheval, le fit remonter pour rendre sa lettre au roi lui-même ; et que la reine dit à ce sujet à mon beau-père : « Si la lettre eût été partie, M. de Machault eût été premier ministre, car jamais le roi n’eût pris sur lui d’écrire une seconde lettre contraire à sa première volonté*. »

    (Note de madame Campan.)

    *. S’il faut en croire un écrivain du temps, l’abbé de Radonvilliers ne fut point sans influence dans cette dernière détermination. L’on peut voir (lettre G) les motifs secrets qui faisaient agir l’ancien précepteur du jeune monarque. Chamfort rapporte, au sujet de la nomination de M. le comte de Maurepas, l’anecdote suivante :

    « C’est un fait connu, que la lettre du roi envoyée à M. de Maurepas avait été écrite pour M. de Machault. On sait quel intérêt particulier fit changer cette disposition ; mais, ce qu’on ne sait point, c’est que M. de Maurepas escamota, pour ainsi dire, la place qu’on croit lui avoir été offerte. Le roi ne voulait que causer avec lui. À la fin de la conversation, M. de Maurepas lui dit : Je développerai mes idées demain au conseil. On assure aussi que, dans cette même conversation, il avait dit au roi : Votre Majesté me fait donc premier ministre ? Non, répliqua le roi, ce n’est point du tout mon intention. J’entends, dit M. de Maurepas ; Votre Majesté veut que je lui apprenne à s’en passer. »

    (Note de l’édit.)