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Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/132

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la nouvelle cour allait jouir des avantages de la partie régénératrice de son plan de finances : toutes ces raisons, développées dans cinq ou six mémoires qu’il fit successivement remettre au roi et à la reine, ne purent lui servir à conserver son poste. On convenait de ses talens ; mais l’odieux que ses opérations avaient nécessairement attiré sur son caractère, et l’immoralité de sa conduite privée, ne permettaient point son plus long séjour à la cour : il fut remplacé par M. de Clugny[1]. Le chancelier de

  1. Je trouve, dans un écrit du temps, au sujet de la nomination de M. de Clugny, une anecdote que je rapporterai sans vouloir en contester, mais aussi sans prétendre en garantir l’exactitude.

    « Les spéculateurs ont cru voir dans l’élévation de M. de Clugny un premier succès du parti qui cherche à faire rentrer M. de Choiseul dans le ministère. Il paraît cependant que ses efforts seront inutiles. M. de Maurepas, instruit de tout ce qui se passait, a concerté avec le roi un moyen de lui faire découvrir le fil de l’intrigue qui se tramait pour le subjuguer. Il est parti pour Pont-Chartrain, en prévenant le monarque de toutes les démarches qui auraient lieu, dans ce point de vue, pendant son absence. Deux fois par jour, le mentor a reçu un courrier de son maître qui l’instruisait de tout ce qui se faisait et disait à cette intention. Le roi lui marqua même un jour qu’on lui avait apporté une gazette anglaise où l’on disait que, si le duc de Choiseul était nommé premier ministre, comme il y avait apparence, la France deviendrait plus puissante à elle seule que toutes les puissances de l’Europe. Le jour du retour de M. de Maurepas, le roi dit en pleine cour : J’apprends que M. de Choiseul est à Paris ; que n’est-il à Chanteloup ? Quand on a le bonheur d’avoir une terre, c’est la saison d’y être. Tous les amis du duc sont restés muets, et le lendemain il a quitté Paris. » (Correspondance secrète de la cour, t. III, p. 10.)

    (Note de l’édit.)