Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/133

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Maupeou fut exilé ; la joie en fut universelle ; ensuite le rappel des parlemens produisit la plus grande sensation : Paris était dans l’ivresse de la joie, et l’on rencontrait tout au plus une personne sur cent qui prévît que l’esprit de l’ancienne magistrature serait toujours le même ; et qu’avant peu elle oserait porter de nouvelles atteintes à l’autorité royale. Madame Du Barry avait été exilée au Pont-aux-Dames. Cette mesure était plus de nécessité que de rigueur : quelque temps de retraite forcée était indispensable pour lui faire perdre le fil des affaires.

On lui conserva la possession de Luciennes et une pension considérable[1]. Tout le monde s’attendait au rappel de M. le duc de Choiseul ; les re-

  1. La comtesse Du Barry ne perdit jamais le souvenir du traitement indulgent qu’elle avait éprouvé à la cour de Louis XVI ; elle fit dire à la reine, pendant les crises les plus fortes de la révolution, qu’il n’y avait point en France de femme plus pénétrée de douleur qu’elle ne l’était, pour tout ce que sa souveraine avait à souffrir ; que l’honneur qu’elle avait eu de vivre, plusieurs années, rapprochée du trône, et les bontés infinies du roi et de la reine, l’avaient si sincèrement attachée à la cause de la royauté, qu’elle suppliait la reine de lui accorder l’honorable faveur de disposer de tout ce qu’elle possédait. Sans rien accepter de ses offres, Leurs Majestés furent touchées de sa reconnaissance. La comtesse Du Barry fut, comme on le sait, une des victimes de la révolution. Elle montra la plus grande faiblesse et le plus ardent amour pour la vie. C’est la seule femme qui ait pleuré sur l’échafaud, et demandé grâce. Sa beauté et ses larmes touchèrent le peuple ; on hâta l’exécution.
    (Note de madame Campan.)