comme elle prévoyait quelques inconvéniens à cette partie de nuit, elle voulut avoir avec elle beaucoup de monde, et ordonna même à ses femmes de la suivre. Toute précaution était inutile pour empêcher l’effet de la calomnie, qui dès-lors cherchait à diminuer l’attachement général qu’elle avait inspiré. Peu de jours après, il circulait à Paris le libelle le plus méchant qui ait paru dans les premières années du règne. On peignait sous les plus noires couleurs une partie de plaisir si innocente, qu’il n’y a point de jeune femme vivant à la campagne qui n’ait cherché à se la procurer. La pièce de vers qui parut à cette occasion était intitulée : Le lever de l’aurore[1].
Le duc d’Orléans, alors duc de Chartres, était du nombre des personnes qui accompagnaient la jeune reine à cette promenade nocturne : il paraissait, à cette époque, très-occupé d’elle ; mais ce fut le seul instant de sa vie où il y eut quelque rapprochement d’intimité entre la reine et ce prince. Le roi n’aimait pas le caractère du duc
- ↑ C’était donc par des libelles et par des chansons que les ennemis de Marie-Antoinette accueillaient les premiers jours de son
règne. Ils se hâtaient de la dépopulariser. Leur but était, sans aucun doute, de la faire renvoyer en Allemagne ; et pour y parvenir, ils n’avaient pas un moment à perdre : l’indifférence du roi pour
cette aimable et belle épouse était déjà une espèce de prodige ; d’un jour à l’autre, les charmes séduisans de Marie-Antoinette pouvaient déjouer toutes les machinations.
(Note de madame Campan.)