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filles sorties de la maison de Saint-Cyr, et toutes fort bien nées ; la reine leur interdisait le spectacle lorsque les pièces ne lui paraissaient pas d’une moralité convenable : quelquefois, lorsqu’on représentait d’anciennes comédies, sa mémoire se trouvant en défaut pour les juger, elle prenait la peine de les lire dans la matinée, et prononçait ensuite si les demoiselles pouvaient aller au spectacle, se regardant avec raison comme chargée de veiller aux mœurs et à la conduite de ces jeunes personnes.

Je trouve du plaisir à pouvoir consigner ici la vérité sur deux qualités estimables que la reine possédait aussi au plus haut degré, la sobriété et la décence. Elle ne mangeait habituellement que de la volaille rôtie ou bouillie, et ne buvait que de l’eau. Elle ne témoignait de goût particulier que pour son café du matin, et une sorte de pain auquel elle avait été accoutumée, dans son enfance, à Vienne.

Sa modestie était extrême dans tous les détails de sa toilette intérieure ; elle se baignait vêtue d’une longue robe de flanelle boutonnée jusqu’au col, et, tandis que ses deux baigneuses l’aidaient à sortir du bain, elle exigeait que l’on tînt devant elle un drap assez élevé pour empêcher ses femmes de l’apercevoir. Cependant un nommé Soulavie a osé écrire, dans le premier volume d’un ouvrage des plus scandaleux, que la reine était d’une effroyable immodestie ; qu’elle se baignait nue, et qu’elle avait reçu dans cet état un ecclésiastique vénérable. Quel châtiment ne devrait-on pas infliger à des libellistes