Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/16

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de Louis XV avait été conçue par le duc de Choiseul, avant sa disgrâce. Il cimentait par ce mariage l’alliance des deux États, et croyait se préparer la faveur d’un nouveau règne. Ainsi se trouvait justifié le sens de ce vers latin, suivant lequel l’Autriche doit plus espérer de l’hymen que des armes[1]. L’âge, la beauté, les talens, le caractère de la jeune princesse étaient l’objet de tous les entretiens. En la voyant quitter sa famille pour aller prendre place sur les premiers degrés du trône le plus éclatant de l’Europe, qui eût osé former un doute sur son bonheur ? Marie-Thérèse, heureuse et désolée, ne concevait pour sa fille chérie d’autres chagrins que ceux de leur séparation ; et pourtant des voix prophétiques semblaient menacer déjà son avenir.

Madame Campan racontait souvent une anecdote que lui avait apprise le gouverneur des enfans du prince de Kaunitz. Il y avait à Vienne à cette époque un docteur, Gassner, qui y était venu chercher un asile contre les persécutions d’un des électeurs ecclésiastiques, son souverain. Gassner, doué d’une imagination très-exaltée, croyait avoir des inspirations. L’impératrice le protégeait, le recevait quelquefois, plaisantait

  1.     Bella gerant alii, tu, Felix Austria, nube.
    Je ne crois pas que les Turcs soient grands diseurs de bons mots ; mais ils sont peut-être plus instruits qu’on ne le pense généralement, des intérêts des puissances chrétiennes, des vues, des moyens et des ressources de leurs cabinets. On prétend que le grand-seigneur, en recevant le décret de la Convention qui prononça en France l’abolition de la royauté, ne put s’empêcher de dire : La république du moins n’épousera pas une archiduchesse. Le mot est bien français pour être turc ; mais il est gai, c’est assez pour qu’on le cite.