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le chagrin de voir madame la comtesse d’Artois accoucher du duc d’Angoulême.

L’usage voulait que la famille et toute la cour assistassent à l’accouchement des princesses ; celui des reines était même public. La reine fut donc obligée de rester, toute une journée, dans la chambre de sa belle-sœur. Au moment où l’on annonça que c’était un prince, la comtesse d’Artois se frappa le front avec vivacité, en s’écriant : « Mon Dieu que je suis heureuse ! » La reine ressentit cette exclamation involontaire et bien naturelle, d’une manière bien différente. Elle n’avait pas même, à cette époque, l’espoir de devenir mère. Cependant sa contenance fut parfaite. Elle donna toutes les marques possibles de tendresse à la jeune accouchée, et ne voulut la quitter que lorsqu’elle fut replacée dans son lit ; ensuite elle traversa les escaliers et la salle des gardes avec un maintien fort calme, au milieu d’une foule immense. Les poissardes, qui s’étaient arrogé le droit de parler aux souverains dans leur ridicule et grossier langage, la suivirent jusqu’aux portes de ses cabinets, en lui criant, avec les expressions les plus licencieuses, que c’était à elle de donner des héritiers. La reine arriva dans son intérieur, très-agitée et précipitant ses pas ; elle s’enferma seule avec moi pour pleurer, non de jalousie sur le bonheur de sa belle-sœur, elle en était incapable ; mais de douleur sur sa position.

J’ai eu souvent occasion d’admirer la modéra-