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Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/167

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tion de la reine dans toutes les circonstances d’intérêt majeur et personnel : elle était extrêmement touchante dans le malheur.

Privée du bonheur de donner un héritier à la couronne, la reine cherchait à s’environner d’illusions qui pouvaient flatter son cœur. Elle avait toujours près d’elle quelques enfans appartenant aux gens de sa maison, et leur prodiguait les plus tendres caresses. Depuis long-temps elle désirait d’en élever un elle-même, et d’en faire l’objet constant de ses soins. Un petit villageois de quatre à cinq ans, d’une figure agréable, brillante de santé, et dont les grands yeux bleus et la belle chevelure blonde étaient remarquables, se précipite par étourderie sous les pieds des chevaux de la reine qui se promenait en calèche et traversait le hameau de Saint-Michel, près Luciennes. Le cocher et les postillons arrêtent les chevaux ; l’enfant est retiré d’un si grand péril sans avoir la plus légère blessure : sa grand’mère s’élance de la porte de sa chaumière pour le prendre ; mais la reine, levée dans sa calèche, étendant les bras vers la vieille paysanne, s’écria que cet enfant était à elle, que le sort le lui avait donné pour la consoler, sans doute, jusqu’au moment où elle aurait le bonheur d’en avoir elle-même. « A-t-il sa mère ? demanda-t-elle. — Non, Madame, ma fille est morte l’hiver dernier, en me laissant cinq petits enfans sur les bras. — Je prends celui-ci, et je me charge de tous les autres ; y consentez-vous ? — Ah !