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Madame, ils sont trop heureux, répondit la paysanne ; mais Jacques est bien mauvais : voudra-t-il rester avec vous ! » La reine, en établissant le petit Jacques sur ses genoux, dit qu’elle l’accoutumerait à elle, que c’était son affaire, et ordonna à son écuyer de faire continuer la promenade. Il fallut pourtant l’abréger, tant Jacques poussait de cris perçans et donnait de coups de pied à la reine et à ses dames.

L’arrivée de Sa Majesté dans ses appartemens, à Versailles, tenant ce petit rustre par la main, étonna tout son service ; il criait à tue-tête qu’il voulait sa grand’mère, son frère Louis, sa sœur Marianne ; rien ne pouvait le calmer. On le fit transporter par la femme d’un garçon de toilette, qui fut nommée pour lui servir de bonne. On mit les autres enfans en pension. Petit Jacques, surnommé Armand, revint deux jours après chez la reine ; l’habit blanc, les dentelles, l’écharpe rose à frange d’argent, le chapeau décoré de plumes, avaient remplacé le bonnet de laine, le petit jupon rouge et les sabots. L’enfant était véritablement très-beau. La reine en fut charmée ; on le lui amenait tous les matins à neuf heures ; il déjeunait, dînait avec elle, souvent même avec le roi. Elle se plaisait à l’appeler mon enfant[1], et lui prodiguait les caresses

  1. Ce petit malheureux avait près de vingt ans en 1792 ; les propos incendiaires du peuple, la peur d’être traité comme un être