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cet air ouvert et dégagé, attribut du caractère français, et lui témoignaient une véritable affection.

L’empire que prenait la reine sur l’esprit du roi, le charme d’une société où Monsieur déployait les grâces de son esprit, et que le comte d’Artois animait par la vivacité de la jeunesse, avaient adouci, dans le caractère de Louis XVI, cette rudesse qu’une éducation mieux dirigée aurait pu réprimer.

Cependant ce défaut se manifestait encore trop souvent, et, malgré son extrême simplicité, le roi inspirait de la défiance à ceux qui avaient occasion de lui parler. Une louable crainte portait à éviter des brusqueries subites et difficiles à prévoir. Les courtisans, soumis en présence des souverains, n’en

    malheur, et qu’on ne fît point subir à ceux qui ne sont qu’accusés, le sort des coupables atteints par les lois. Voici ce qu’on lit à ce sujet dans cet écrit :

    « L’abbé de Besplas, célèbre prédicateur, prononça, devant le roi, un discours de la Cène, qui avait pour sujet : Des caractères de la charité dans un roi. Ce morceau sur les cachots fit l’impression la plus vive.

    « Sire, l’état des cachots de votre royaume arracherait des larmes aux plus insensibles qui les visiteraient. Un lieu de sûreté ne peut, sans une énorme injustice, devenir un séjour de désespoir. Vos magistrats s’efforcent d’y adoucir l’état des malheureux ; mais, privés des secours nécessaires pour la réparation de ces antres infects, ils n’ont qu’un morne silence à opposer aux plaintes des infortunés. Oui, j’en ai vu, Sire, et mon zèle me force ici, comme Paul, à honorer mon ministère ; oui, j’en ai vu qui, couverts d’une lèpre universelle, par l’infection de ces repaires hideux, bénissaient mille fois dans nos bras le moment