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dire l’image du plus funeste hymen dont on ait gardé la mémoire. À la gauche d’un trône, l’épouse entourée d’amis, de serviteurs désespérés, luttait contre une mort affreuse. Jason, sur l’autre plan, reculait saisi d’horreur, à la vue de ses enfans égorgés, et la furie s’élançait dans les airs sur son char traîné par les dragons[1]. »

Sans être superstitieux, on est frappé de cet étrange rapport. L’époux, l’épouse, les enfans furent atteints ; la fatale destinée parut s’accomplir en tous points. Marie-Thérèse aurait pu répéter ces beaux vers que le père de Créüse adresse à sa fille expirante, dans la Médée de Corneille :


Ma fille, c’est donc là ce royal hyménée
Dont nous pensions toucher la pompeuse journée !
La parque impitoyable en éteint le flambeau,
Et pour lit nuptial, il te faut un tombeau !


Si l’on cherchait un funeste augure, il n’en faudrait point d’autre que les fêtes du mariage à Paris. On connaît l’événement de la place Louis XV ; on sait comment l’incendie des échafauds destinés au feu d’artifice, l’imprévoyance des magistrats, la cupidité des malfaiteurs, la marche meurtrière des voitures, préparèrent, augmentèrent le désastre ; comment la jeune dauphine, qui arrivait de Versailles, par le Cours-la-Reine, heureuse, brillante, parée, pour jouir de la joie de tout un peuple, s’enfuit éperdue, les yeux noyés de larmes, poursuivie de cette affreuse image, et croyant toujours entendre les cris des mourans.

  1. Mein Leben. Ma vie, par Goëthe, publiée à Tubingen, chez Cotta.