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la comtesse d’Artois. La comtesse Jules aimait véritablement la vie paisible ; l’effet qu’elle produisit à la cour la toucha peu ; elle ne fut sensible qu’à l’attachement que la reine lui témoignait. J’eus occasion de la voir dès le commencement de sa faveur ; elle passa plusieurs fois des heures entières avec moi, en attendant la reine. Elle m’entretint avec franchise et ingénuité de tout ce qu’elle entrevoyait, d’honorable et de dangereux à la fois, dans les bontés dont elle était l’objet. La reine recherchait les douceurs de l’amitié ; mais ce sentiment, déjà si rare, peut-il exister dans toute sa pureté entre une reine et une sujette, environnées d’ailleurs de piéges tendus par l’artifice des courtisans ? Cette erreur bien pardonnable fut fatale au bonheur de Marie-Antoinette, parce que le bonheur ne se trouve point dans les chimères.

On ne peut parler trop favorablement du caractère modeste de la comtesse Jules, devenue duchesse de Polignac ; je l’ai toujours considérée personnellement comme la victime d’une élévation qu’elle n’avait point briguée : mais si son cœur était incapable de former des projets ambitieux, sa famille et ses amis virent leur propre fortune dans la sienne, et cherchèrent à fixer d’une manière invariable la faveur de la reine.

La comtesse Diane, sœur de M. de Polignac, le baron de Besenval et M. de Vaudreuil, amis particuliers de la famille Polignac, employèrent un moyen dont le succès était infaillible. Un de mes