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Antoinette se flattait que la comtesse Jules et la princesse de Lamballe seraient ses amies particulières, et qu’elle aurait une société choisie selon son goût. « Je la recevrai dans mes cabinets ou à Trianon, disait-elle ; je jouirai des douceurs de la vie privée, qui n’existent pas pour nous, si nous n’avons le bon esprit de nous les assurer. » Ma mémoire m’a rappelé fidèlement tout le charme qu’une illusion si douce faisait entrevoir à la reine, dans un projet dont elle ne pénétrait ni l’impossibilité ni les dangers. Le bonheur qu’elle

    dame de Polignac ; elle la revit plusieurs fois, la reçut chez elle, et s’y attacha chaque jour davantage.

    » Madame de Polignac était plus reconnaissante qu’enorgueillie de l’amitié dont elle était l’objet. Dans le temps où elle commençait à venir le matin chez la reine, elle m’entretint plus d’une fois avec franchise de ce qu’elle voyait d’honorable et à la fois de dangereux dans les bontés de Marie-Antoinette. Tout ce que disait madame de Polignac était empreint d’un caractère séduisant de vérité. Sa personne était remplie du naturel qui charmait dans ses discours. Elle ne visait pas à l’esprit ; elle n’était pas essentiellement belle, mais un sourire enchanteur, de beaux yeux bruns pleins de bienveillance, je ne sais quelle grâce négligée qui se cachait dans chacun de ses mouvemens, la faisaient remarquer au milieu des plus belles, et sa conversation naïve la faisait écouter de préférence à tous les efforts du bel esprit. Bonne, égale dans son humeur, inaccessible à la jalousie, dépourvue d’ambition, aimant tous ceux qu’aimait son auguste amie, madame de Polignac a joui de la plus haute faveur sans avoir jamais aucun des défauts des favoris. Ses amis l’ont, il est vrai, poussée plus d’une fois hors de son caractère et son élévation fut pour eux un moyen de fortune. Ce fut à eux qu’elle dut toutefois, dans ce premier moment, l’avantage de voir l’amitié de la reine confirmée par des bienfaits. »

    (Note de l’édit.)