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tous les gens de goût ; il semblait alors que cet art, justement placé au premier rang, eût rétrogradé en France de plusieurs siècles. Il est vrai que Vanloo et Boucher avaient corrompu le style de l’école française à un tel point, qu’avec des yeux simplement exercés par les chefs-d’œuvre étrangers et nationaux dont nous sommes en ce moment environnés, on ne conçoit pas que les tableaux de Boucher aient pu être l’objet de l’admiration dans un temps aussi rapproché du siècle de Louis XIV.

La reine ne pouvait pas porter sur cet art ce jugement éclairé, ou simplement ce goût qui suffit, dans les princes, pour protéger et faire éclore les plus grands talens ; elle avouait tout bonnement qu’elle ne voyait dans un portrait que le seul mérite de la ressemblance. Lorsqu’elle allait au Louvre, à l’exposition des tableaux, elle parcourait rapidement les petits tableaux de genre, et sortait sans avoir, disait-elle, levé les yeux vers les grandes compositions.

Il n’existe de bon portrait de la reine que celui de Werthmuller, premier peintre du roi de Suède, qui fut envoyé à Stockholm, et celui de madame Le Brun, sauvé des fureurs révolutionnaires par les commissaires de la garde du mobilier de Versailles. Il règne, dans la composition de ce tableau, une analogie frappante avec celui d’Henriette de France, femme de l’infortuné Charles Ier, peint par Van-dyck : comme Marie-Antoinette, elle est assise environnée de ses enfans, et ce rapprochement vient encore