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en éprouvait, ni l’ascendant qu’elle prenait sur lui.

Le roi se couchait tous les soirs à onze heures précises ; il était très-méthodique, et rien ne dérangeait ses habitudes. Il n’avait pas encore une fois cessé de venir partager le lit nuptial ; mais le bruit que faisait involontairement la reine quand elle rentrait fort tard des soirées qu’elle passait chez la princesse de Guéménée, ou chez le duc de Duras, finit par importuner le roi ; et sans humeur il fut convenu que la reine le préviendrait des jours où elle voulait veiller : alors le roi commença à coucher chez lui, ce qui n’était jamais arrivé depuis l’époque du mariage.

Pendant l’hiver les bals de l’Opéra faisaient passer beaucoup de nuits à la reine ; elle s’y rendait avec une seule dame du palais, et y trouvait toujours Monsieur et M. le comte d’Artois ; ses gens cachaient leur livrée sous des redingotes de drap gris. Elle croyait n’être jamais reconnue, et l’était par toute l’assemblée, dès le moment où elle entrait dans la salle : feignant de ne pas la reconnaître, on établissait toujours quelque intrigue de bal pour lui procurer le plaisir de l’incognito.

Louis XVI voulut une fois aller avec la reine à un bal masqué ; il fut convenu que le roi ferait non-seulement son coucher public, mais même son petit coucher. La reine se rendit chez lui par les corridors intérieurs du palais, suivie d’une de ses femmes qui portait un domino noir ; elle aida à l’en revêtir, et ils furent seuls gagner la cour de