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la chapelle où une voiture les attendait, avec le capitaine des gardes de quartier et une dame du palais. Le roi s’amusa peu, ne parla qu’à deux ou trois personnes qui le reconnurent à l’instant, et ne trouva d’aimable dans le bal que les pierrots et les arlequins ; ce que la famille royale s’amusait souvent à lui reprocher.

Un événement, fort simple en lui-même, attira des soupçons fâcheux sur la conduite de la reine. Elle partit un soir avec la duchesse de Luynes, dame du palais : sa voiture cassa à l’entrée de Paris. Il fallut descendre ; la duchesse la fit entrer dans une boutique, tandis qu’un valet-de-pied fit avancer un fiacre. On était masqué, et en sachant garder le silence, l’événement n’aurait pas même été connu ; mais aller en fiacre est pour une reine une aventure si bizarre, qu’à peine entrée dans la salle de l’Opéra, elle ne put s’empêcher de dire à quelques personnes qu’elle y rencontra : C’est moi en fiacre, n’est-ce pas bien plaisant[1] ?

  1. Le divertissement des bals, le désir qu’éprouvait la reine d’y goûter au moins l’incognito sous le masque, devaient donner lieu à une foule de ces aventures qui sont un des plaisirs attachés aux travestissemens de ce genre, et que la présence d’un tiers rend toujours innocens. On lit l’anecdote suivante dans un écrit du temps.

    « On chuchote une aventure arrivée au bal que le comte de Viry a donné ; la voici : après le banquet, la reine s’était retirée avec sa suite, et était rentrée, peu de temps après, masquée dans le bal. Sur les trois heures du matin, elle se promenait avec la