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Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/232

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vaient naturellement composer la bibliothèque de la reine. Après avoir parlé de nos auteurs les plus célèbres, le hasard lui fit dire : Il n’y a sûrement pas ici d’ouvrages sur les finances, ni sur l’administration.

Ces mots furent suivis de son opinion sur tout ce qu’on avait écrit dans ce genre, sur les différens systèmes de nos deux célèbres ministres Sully et Colbert ; sur les fautes qui se commettaient sans cesse, en France, dans des parties si essentielles à la prospérité de l’empire ; sur les réformes qu’il ferait lui-même à Vienne lorsqu’il en aurait le pouvoir : tenant M. Campan par le bouton de son habit, il passa plus d’une heure à parler avec véhémence et sans aucun ménagement sur le gouvernement français ; chose d’autant plus blâmable, qu’avec du tact et de la dignité, l’empereur ne devait entretenir le secrétaire bibliothécaire que des objets analogues à ses fonctions. Mais il était si préoccupé du grand talent qu’il se croyait pour gouverner les peuples, que cet orgueil lui faisait commettre, en ce moment, une faute d’écolier. Cet entretien dura près d’une heure. L’étonnement autant que le respect nous tint, mon beau-père et moi, dans le plus profond silence ; et lorsque nous fûmes seuls, nous prîmes la résolution de ne point parler de cet entretien.

L’empereur aimait à raconter les anecdotes secrètes des cours d’Italie qu’il avait visitées ; les querelles de jalousie, entre le roi et la reine de Naples,